Cette appellation un peu complexe désigne ce que les Verts appellent de leurs vœux depuis longtemps et nomment « protectionnisme vert » ou « taxe carbone aux frontières ». Il s’agit d’une forme de taxe sur la quantité de carbone contenue dans les produits importés en UE, mais fabriqués hors de son territoire.
Grâce à ce mécanisme :
- le carbone est taxé de la même manière pour tous, hors de et dans l’UE.
- un cercle vertueux est créé : notre mutation est encouragée ET nos partenaires sont incités à accélérer la leur également.
Avec la mise en place du Green Deal - ou Pacte Vert, l’Union Européenne s’est fixée un objectif de neutralité carbone en 2050 (je souhaite personnellement que cet objectif soit atteint dès 2040). Pour l’atteindre, il faut, et vitesse grand V, enclencher une mutation de nos industries car le constat est radical : c’est bien elle, l’industrie européenne, qui est responsable de près de 30% des émissions de CO2.
Certaines industries fournissent déjà des efforts importants en ce sens : des efforts en tous cas plus importants que certaines industries hors Europe qui produisent à bas coût avec des processus industriels très, trop polluants… Pour des produits qui en plus concurrencent le marché européen.
Toutes les industries, mais en premier lieu les industries les plus polluantes sont concernées. Celles dont tout ou partie de la production se situe hors UE, mais dont les produits sont consommés dans l’UE. Des exemples ? Les industries de l’acier, de l’aluminium, du ciment, des produits chimiques et des engrais, etc.
Ce sera tout à fait faisable, car cette taxe ne porte pas atteinte aux échanges internationaux. En fait, elle ne sera peut-être pas une simple taxe justement : elle sera un mécanisme, d’où la nuance lexicale – j’y reviens plus loin.
Ce mécanisme doit être cohérent avec l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Pour information, cette organisation (qui élabore et fait appliquer les règles en matière de commerce international) n’autorise pas les États à instaurer des mesures qui rendraient tout échange commercial « déséquilibré » … sauf exception : l’OMC tolère ainsi la création de nouvelles taxes aux frontières si cela permet de protéger la santé humaine, animale, végétale et de conserver des ressources naturelles épuisables (comme par exemple une atmosphère respirable).
Au Parlement européen, il arrive souvent que plusieurs commissions (ou groupes de travail) travaillent sur un même rapport. Il y a toujours une commission responsable qui coordonne le travail de tous. C’est la commission ENVI (Environnement) qui est en charge du rapport sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Les autres commissions soumettent des idées de contenu à la commission principale. Pour le mécanisme carbone, les commissions ITRE, ECON, INTA participent. J’ai été responsable de soumettre des propositions au nom du groupe des Verts dans les commissions ITRE et ECON, dont je suis membre.
Pour la première fois de son histoire, l’Europe se donne le moyen de répondre à ses ambitions climatiques tout en incitant le reste du monde à faire de même. C’est nouveau, c’est très courageux, et c’est la seule manière d’enrayer le réchauffement climatique.
L’Union Européenne n’y arrivera pas seule.
Ce mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières semble faire largement l’unanimité.
Mais… Il faut se méfier. Le diable est dans les détails. C’est sur la forme du mécanisme, et sur son fonctionnement que les débats font rage : les groupes politiques les plus proches de l’industrie et les moins verts encouragent l’introduction de subventions à l’exportation, et ils encouragent aussi le maintien de quotas gratuits. Je m’oppose fermement à ces deux mesures. J’explique :
Les quotas gratuits, c’est NON : en réalités, ces quotas sont des sortes de permis de polluer. Ils sont distribués gratuitement à nombre d’industries dans le cadre du marché carbone européen (j’y reviens en fin d’article). Au départ, ils avaient pour but de protéger nos industries d’une concurrence déloyale, moins chère mais plus polluante. Avec l’introduction d’un mécanisme carbone aux frontières, l’argument ne tient plus. Nos industries seront suffisamment protégées. Ces quotas gratuits doivent donc disparaître. Et puis, la réalité c’est que beaucoup d’industries ont profité du système et ont carrément revendu leurs quotas gratuits à très bon prix. À tel point que l’industrie du ciment a par exemple empoché ainsi 3.5 milliards d’euros entre 2013 et 2020 et Arcelor Mittal 211 millions d’euros entre 2008 et 2011. Une aberration !
Ça a été difficile, mais nous avons gagné : notre rapport dit clairement que l’introduction d’une taxe carbone aux frontières devra s’accompagner de la fin des quotas gratuits. Excellente nouvelle ! Nous avons également obtenu un compromis qui n’autorise des subventions à l’exportation que pour les industries les plus vertueuses. Et cette notion sera très strictement encadrée.
Au sein des commissions ECON et ITRE, je dois dire que les négociations politiques ont été longues et difficiles sur plusieurs points
Ce mécanisme, peu importe sa forme, je le veux sans soutien à ceux qui ne participent pas à l’effort de transition. Pas de quotas gratuits, pas de rabais à l’export !
Désormais, ce sont mes collègues de la commission ENVI (environnement) qui poursuivent le travail jusqu’au vote du texte en plénière au Parlement européen. Ce vote aura lieu début mars. Ensuite, la Commission fera sa proposition et dans la foulée, la négociation législative débutera.