« Une maraude. »
« Ah. Ok. On va juste vérifier vos papiers. »
Ils partent faire des photos de nos papiers dans leur véhicule. Pour moi, qui travaille au Parlement sur les questions de surveillance des populations et constate la mise en place de politiques publiques sécuritaires, je suis servie.
Ces deux journées et deux nuits de Maraudes Solidaires furent riches de rencontres et d’observations : une sorte de mission parlementaire sur le territoire pour voir de près comment un État-Membre, la France, mon pays, respecte ses obligations en matière de droit d’asile et droits des migrant·e·s. Ou comment, peut-être, au contraire, cet État-Membre sous-traite avec cynisme sans l’avouer à des bénévoles tout le travail d’accueil...
À Briançon, à Montgenèvre, venues de tous les villages alentours, et de plus loin encore en France, des personnes donnent de leur temps et une énergie immense pour éviter que des drames ne se produisent. Je les ai accompagnées quelques heures dans leur mission. J'ai vu leur détermination, leur courage, leur fatigue aussi.
J’ai constaté lors de ce week-end ce que les bénévoles rappellent toujours : celles et ceux qui sont poussé·e·s par le désespoir et la misère, et qui fuient parfois le pire, sont prêt·e·s à braver tous les dangers. Les États peuvent fermer les frontières, augmenter le nombre d’agents des forces de l’ordre, équiper les hommes d’armes, renforcer les contrôles en prétextant confinement ou couvre-feu, si des femmes et des hommes ont besoin pour survivre de passer la frontière, ils passeront. Avec les températures négatives et les chutes de neige, avec les risques en montagne, avec la peur, le froid et la faim, avec les refoulements sans ménagements de la police française, ils passeront. Ils sont refoulés une fois, deux fois, cinq fois. Ils sont blessés, ils sont encore plus fatigués, ils tenteront un chemin plus périlleux encore et plus loin du regard de la police, mais ils passeront encore. Un jour, ils seront passés. La police aux frontières le sait, les agents ne sont pas dupes, mais ils retardent le passage de quelques jours ou quelques semaines. »
Les maraudeuses, les maraudeurs savent tou·te·s pourquoi elles et ils sont là : pour ne pas perdre une part de leur propre humanité en détournant le regard.