Justice fiscale
L'accord sur le reporting pays par pays est un premier pas important vers la transparence fiscale
Les négociateurs de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen viennent de trouver un accord sur la directive pour un reporting public pays par pays (CBCR), qui oblige les multinationales à davantage de transparence.
En vertu de la nouvelle directive, qui avait été initialement proposée par la Commission en 2016, les multinationales dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 750 millions d'euros pendant deux années consécutives seront obligées de déclarer combien elles réalisent de bénéfices, leurs nombre d'employés et combien elles paient d'impôts dans chacun des pays de l'UE où elles opèrent, ainsi que dans les juridictions figurant sur la liste noire des paradis fiscaux de l'UE.
Le Conseil a rejeté la désagrégation globale et a introduit une « clause de sauvegarde » qui pourrait permettre à certaines entreprises de se soustraire à leurs obligations de déclaration pendant une certaine durée. Toutefois, grâce aux négociateurs du Parlement européen, une clause de révision a été introduite dans le texte final. Celle-ci permettra une révision de ces deux éléments dans 4 ans.
Cette directive, défendue depuis longtemps par le Groupe des Verts/ALE, est un outil essentiel pour lutter contre l'évasion fiscale des multinationales. Elle avait été proposée en réponse à une série de scandales fiscaux internationaux tels que les LuxLeaks et les Panama Papers.
Réaction de Damien CARÊME, membre de la commission des affaires économiques (ECON) et de la commission des affaires fiscales (FISC) :
« La transparence est un outil indispensable, et redoutable, pour combattre le fléau de l'évasion fiscale. L'accord trouvé aujourd'hui constitue donc un progrès majeur, malgré des failles qu'il faudra corriger lorsque le texte sera révisé dans 4 ans.
Les failles dans le texte finalement adopté sont largement dues au comportement du gouvernement français dans ces négociations. Il faut le dire et le dénoncer. C'est le gouvernement français qui a par exemple défendu avec ardeur la possibilité pour les multinationales de ne pas publier ces informations dès lors qu’elles mettraient en péril une prétendue "position commerciale" : un joli cadeau fait aux multinationales qui auraient des choses à cacher. Cette attitude n'a rien de surprenant puisque l'on a appris que la position de la France avait été rédigée par le MEDEF lui-même, le grand syndicat patronal français.
Toutefois, il faut se réjouir de ce premier pas en faveur de la transparence fiscale. En permettant de vérifier que les impôts sont bien payés là où ils doivent l'être, cette directive va contribuer à combattre la concurrence fiscale agressive entre États membres et les comportements prédateurs des multinationales.
A l'heure où l'Europe et le monde traversent une crise sans précédent, il est fondamental de récupérer les milliards d'euros d'évasion fiscale qui nous échappent et de combattre les inégalités qui sont le terreau de l'extrême droite. »