Ça y est ! La première étape est franchie : la semaine dernière, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (qu’on a coutume d’appeler « taxe carbone aux frontières ») avait déjà été voté en commission ECON (commission pour les affaires économiques et monétaires) … Aujourd’hui, il vient d’être approuvé en commission ITRE (commission de l’énergie, de la recherche et de l’industrie) !
C’est une belle victoire : ces deux commissions se prononcent ainsi clairement en faveur de l’introduction d’une taxe sur le carbone à nos frontières.
Concrètement, ce vote marque une avancée majeure vers la réalisation de l’un des engagements clés de notre campagne en 2019.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, je vous en parlais déjà il y a quelques mois, j’avais même rencontré le commissaire Thierry Breton sur ce sujet, en juin.
Cette appellation un peu complexe désigne ce que les Verts appellent de leurs vœux depuis longtemps et nomment « protectionnisme vert » ou « taxe carbone aux frontières ». Il s’agit d’une forme de taxe sur la quantité de carbone contenue dans les produits importés en UE, mais fabriqués hors de son territoire.
Grâce à ce mécanisme :
- le carbone est taxé de la même manière pour tous, hors de et dans l’UE.
- un cercle vertueux est créé : notre mutation est encouragée ET nos partenaires sont incités à accélérer la leur également.
Avec la mise en place du Green Deal - ou Pacte Vert, l’Union Européenne s’est fixée un objectif de neutralité carbone en 2050 (je souhaite personnellement que cet objectif soit atteint dès 2040). Pour l’atteindre, il faut, et vitesse grand V, enclencher une mutation de nos industries car le constat est radical : c’est bien elle, l’industrie européenne, qui est responsable de près de 30% des émissions de CO2.
Certaines industries fournissent déjà des efforts importants en ce sens : des efforts en tous cas plus importants que certaines industries hors Europe qui produisent à bas coût avec des processus industriels très, trop polluants… Pour des produits qui en plus concurrencent le marché européen.
Toutes les industries, mais en premier lieu les industries les plus polluantes sont concernées. Celles dont tout ou partie de la production se situe hors UE, mais dont les produits sont consommés dans l’UE. Des exemples ? Les industries de l’acier, de l’aluminium, du ciment, des produits chimiques et des engrais, etc.
Ce sera tout à fait faisable, car cette taxe ne porte pas atteinte aux échanges internationaux. En fait, elle ne sera peut-être pas une simple taxe justement : elle sera un mécanisme, d’où la nuance lexicale – j’y reviens plus loin.
Ce mécanisme doit être cohérent avec l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Pour information, cette organisation (qui élabore et fait appliquer les règles en matière de commerce international) n’autorise pas les États à instaurer des mesures qui rendraient tout échange commercial « déséquilibré » … sauf exception : l’OMC tolère ainsi la création de nouvelles taxes aux frontières si cela permet de protéger la santé humaine, animale, végétale et de conserver des ressources naturelles épuisables (comme par exemple une atmosphère respirable).
Au Parlement européen, il arrive souvent que plusieurs commissions (ou groupes de travail) travaillent sur un même rapport. Il y a toujours une commission responsable qui coordonne le travail de tous. C’est la commission ENVI (Environnement) qui est en charge du rapport sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Les autres commissions soumettent des idées de contenu à la commission principale. Pour le mécanisme carbone, les commissions ITRE, ECON, INTA participent. J’ai été responsable de soumettre des propositions au nom du groupe des Verts dans les commissions ITRE et ECON, dont je suis membre.
Pour la première fois de son histoire, l’Europe se donne le moyen de répondre à ses ambitions climatiques tout en incitant le reste du monde à faire de même. C’est nouveau, c’est très courageux, et c’est la seule manière d’enrayer le réchauffement climatique.
L’Union Européenne n’y arrivera pas seule.
Ce mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières semble faire largement l’unanimité.
Mais… Il faut se méfier. Le diable est dans les détails. C’est sur la forme du mécanisme, et sur son fonctionnement que les débats font rage : les groupes politiques les plus proches de l’industrie et les moins verts encouragent l’introduction de subventions à l’exportation, et ils encouragent aussi le maintien de quotas gratuits. Je m’oppose fermement à ces deux mesures. J’explique :
Les quotas gratuits, c’est NON : en réalités, ces quotas sont des sortes de permis de polluer. Ils sont distribués gratuitement à nombre d’industries dans le cadre du marché carbone européen (j’y reviens en fin d’article). Au départ, ils avaient pour but de protéger nos industries d’une concurrence déloyale, moins chère mais plus polluante. Avec l’introduction d’un mécanisme carbone aux frontières, l’argument ne tient plus. Nos industries seront suffisamment protégées. Ces quotas gratuits doivent donc disparaître. Et puis, la réalité c’est que beaucoup d’industries ont profité du système et ont carrément revendu leurs quotas gratuits à très bon prix. À tel point que l’industrie du ciment a par exemple empoché ainsi 3.5 milliards d’euros entre 2013 et 2020 et Arcelor Mittal 211 millions d’euros entre 2008 et 2011. Une aberration !
Ça a été difficile, mais nous avons gagné : notre rapport dit clairement que l’introduction d’une taxe carbone aux frontières devra s’accompagner de la fin des quotas gratuits. Excellente nouvelle ! Nous avons également obtenu un compromis qui n’autorise des subventions à l’exportation que pour les industries les plus vertueuses. Et cette notion sera très strictement encadrée.
Au sein des commissions ECON et ITRE, je dois dire que les négociations politiques ont été longues et difficiles sur plusieurs points
Ce mécanisme, peu importe sa forme, je le veux sans soutien à ceux qui ne participent pas à l’effort de transition. Pas de quotas gratuits, pas de rabais à l’export !
Désormais, ce sont mes collègues de la commission ENVI (environnement) qui poursuivent le travail jusqu’au vote du texte en plénière au Parlement européen. Ce vote aura lieu début mars. Ensuite, la Commission fera sa proposition et dans la foulée, la négociation législative débutera.
Député Européen Verts / ALE**,
Président de l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants.
Damien Carême est né en Lorraine.
Il est élu maire de Grande-Synthe, dans le Nord, en 2001 et le reste jusqu’en mai 2019, date à laquelle il entre au Parlement européen.
Durant 18 ans, à Grande-Synthe, il mène une politique mue par l’écologie sociale et transforme ainsi radicalement la ville. Capitale française de la biodiversité en 2010, Grande-Synthe voit naître des jardins partagés, des quartiers totalement repensés, des repas 100% bio et locaux dans toutes les cantines, une démarche d’autonomie alimentaire, des transports en commun gratuits, un minimum social garanti (MSG) pour les habitants vivant sous le seuil de pauvreté, une université populaire, des ateliers de fabrique de l’autonomie… Un objectif, clair : créer du sens commun et véritablement entrer « en transition ».
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud. * Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Fin 2015, le conflit syrien pousse à l’exil des milliers de personnes. A Grande-Synthe, ces femmes, ces hommes et ces enfants réfugié.e.s arrivent et stagnent dans des conditions indignes : Damien Carême, contre l’avis de l’Etat, réagit et avec l’aide de Médecins Sans Frontière, met en place le premier camp humanitaire sur le territoire français. Dans la foulée, il fonde l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants, qu’il co-préside aujourd'hui avec Jeanne Barseghian.
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud.
Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Et le 1er juillet 2021 ? Ce jour-là, Damien Carême vit une victoire majeure : dans la matinée, le Conseil d’État rend en effet un arrêt historique dans lequel il sanctionne le gouvernement pour inaction climatique et l’enjoint à prendre, dans un délai de neuf mois, « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs » du pays. Si cette victoire est un pas de géant pour le climat ainsi qu’un véritable séïsme judiciaire, elle est également la concrétisation de la lutte d’un homme qui, un jour de novembre 2018, avait entamé, seul contre l’État, un recours pour inaction climatique. Impossible pour lui de se résoudre à laisser aux générations futures un monde invivable… »
- Président de l'Association des Maires Ville & Banlieue de France en 2014-2015
- Prix Nord/Sud du Conseil de l'Europe en 2018
- Prix Éthique et Société, avec Mention Spéciale du Jury, de la fondation Pierre Simon en 2016
- 9e "Meilleur maire du monde", décerné par la City Mayor Fondation en 2016
- 2016, « On ne peut rien contre la volonté d’un homme » (éd. Stock), livre écrit avec Maryline Baumard