La première semaine de mars, c’est au tour de François Alfonsi de rejoindre Montgenèvre pour effectuer une Maraude Solidaire. Durant deux nuits, le Député européen observe les conditions dans lesquelles sont traitées les personnes migrantes à la frontière.
Montgenèvre est à 1800 mètres d’altitude. Les températures en hiver y sont très froides : de -10 à -20°C c’est fréquent, et -5°C puis -2°C lors de ces deux nuits durant lesquelles j’étais présent.
" Les personnes migrantes empruntent des chemins enneigés, dans l’obscurité la plus totale, particulièrement ces fameuses deux nuits-là qui étaient sans lune. Les exilé·e·s partent de la ville italienne « jumelle » de Montgenèvre, Clavière, dernier arrêt italien du bus qui assure la liaison régulière entre Oulx et Briançon. Leur périple à pied, avec bagages et enfants, parfois même des personnes âgées, prend plus de deux heures dans le froid, la neige, l’obscurité, avec le risque de se perdre. Ils sont guettés aux différents points d’arrivée par les policiers et les gendarmes, dont ils se cachent en restant immobiles dans le froid. Quand ils les appréhendent, les policiers les amènent au poste frontière de la PAF, puis les refoulent en Italie en appelant les carabinieri (les forces de l’ordre italiennes) qui viennent les récupérer pour les ramener à Oulx. D’où ils repartiront systématiquement les jours suivants.
Ma première nuit de maraude, du 4 au 5 mars : aux côtés des bénévoles, je vois arriver le bus Oulx-Briançon. Plusieurs gendarmes montent à bord. Ils redescendent avec un passager aussitôt amené dans les locaux de la PAF, le bus repartant sans lui.
J’interroge le Chef de Poste sur la personne retenue. Il m’informe que ce jeune homme n’a pas les papiers nécessaires pour entrer sur le territoire français et qu’il sera remis aux autorités italiennes qui sont prévenues. Je décide d’attendre ce transfert pour constater la durée de cette rétention.
Pendant cette attente, les gendarmes vont patrouiller vers une piste de ski de fond à proximité. Après avoir scruté la zone avec des projecteurs, ils déploient leurs recherches à pied avec des lampes-torches. Après trois-quarts d’heure, l’opération est interrompue sans qu’aucune interpellation n’ait lieu. Je demande alors à revoir le responsable pour savoir où en est la personne retenue. Il me répond que les carabiniers sont venus et l’ont emmené, et que cette personne a elle-même déclaré être en bonne santé. Toutes choses que je n’ai donc pu vérifier directement.
La deuxième nuit (du 5 au 6 mars) : Ma collègue Députée européenne Salima Yenbou a elle aussi rejoint Montgenèvre. Nous sommes aux côtés des bénévoles de Médecins du Monde. Une certaine tension règne avec les gendarmes qui ont verbalisé trois bénévoles au prétexte que leur attestation de couvre-feu avait coché la case numéro 1 au lieu de la case numéro 3, justifiant ainsi une amende de 135 euros chacun, et même un constat de « récidive » pour l’un d’entre eux. Ce n’est pas la première fois que cela arrive : Médecins du monde a été verbalisé abusivement plusieurs dizaines de fois, avec autant de recours à suivre, le plus souvent infructueux.
J’interpelle la préfète : je reçois une réponse kafkaienne, procédurale.
Ces dizaines de bénévoles qui chaque nuit depuis des années, malgré le froid, malgré la pression des forces de l’ordre, malgré les épreuves physiques et morales, maintiennent une présence humanitaire sauvent l’honneur de notre pays. Ils apportent un minimum de réconfort aux personnes exilées en détresse. Je suis scandalisé que les pouvoirs publics leur adressent mépris et hostilité.
Je leur dédie ces paroles de l’hymne d’un peuple montagnard voisin, les Allobroges de Savoie :
Allobroges vaillants, dans vos vertes campagnes,
Accordez-moi toujours, asile et sûreté.
Car j’aime à respirer, l’air pur de vos montagnes,
Je suis la Liberté, LA LIBERTE ! »
Député Européen Verts / ALE**,
Président de l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants.
Damien Carême est né en Lorraine.
Il est élu maire de Grande-Synthe, dans le Nord, en 2001 et le reste jusqu’en mai 2019, date à laquelle il entre au Parlement européen.
Durant 18 ans, à Grande-Synthe, il mène une politique mue par l’écologie sociale et transforme ainsi radicalement la ville. Capitale française de la biodiversité en 2010, Grande-Synthe voit naître des jardins partagés, des quartiers totalement repensés, des repas 100% bio et locaux dans toutes les cantines, une démarche d’autonomie alimentaire, des transports en commun gratuits, un minimum social garanti (MSG) pour les habitants vivant sous le seuil de pauvreté, une université populaire, des ateliers de fabrique de l’autonomie… Un objectif, clair : créer du sens commun et véritablement entrer « en transition ».
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud. * Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Fin 2015, le conflit syrien pousse à l’exil des milliers de personnes. A Grande-Synthe, ces femmes, ces hommes et ces enfants réfugié.e.s arrivent et stagnent dans des conditions indignes : Damien Carême, contre l’avis de l’Etat, réagit et avec l’aide de Médecins Sans Frontière, met en place le premier camp humanitaire sur le territoire français. Dans la foulée, il fonde l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants, qu’il co-préside aujourd'hui avec Jeanne Barseghian.
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud.
Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Et le 1er juillet 2021 ? Ce jour-là, Damien Carême vit une victoire majeure : dans la matinée, le Conseil d’État rend en effet un arrêt historique dans lequel il sanctionne le gouvernement pour inaction climatique et l’enjoint à prendre, dans un délai de neuf mois, « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs » du pays. Si cette victoire est un pas de géant pour le climat ainsi qu’un véritable séïsme judiciaire, elle est également la concrétisation de la lutte d’un homme qui, un jour de novembre 2018, avait entamé, seul contre l’État, un recours pour inaction climatique. Impossible pour lui de se résoudre à laisser aux générations futures un monde invivable… »
- Président de l'Association des Maires Ville & Banlieue de France en 2014-2015
- Prix Nord/Sud du Conseil de l'Europe en 2018
- Prix Éthique et Société, avec Mention Spéciale du Jury, de la fondation Pierre Simon en 2016
- 9e "Meilleur maire du monde", décerné par la City Mayor Fondation en 2016
- 2016, « On ne peut rien contre la volonté d’un homme » (éd. Stock), livre écrit avec Maryline Baumard