La France d’Emmanuel Macron verse dans l’infamie : ce qui se joue depuis ce week-end, de part et d’autre de notre pays, l’illustre tristement. Retour sur les jours sombres qui viennent de s’écouler et décryptage du décalage qui existe entre le rejet que les dirigeants cultivent et la fraternité dont fait preuve la société civile
En l’église Saint-Pierre de Calais, le père Philippe Demeestère, prêtre jésuite et aumônier du Secours catholique de 72 ans, entame avec Anaïs Vogel et Ludovic Holbein, un couple de Calaisiens militants associatifs, une grève de la faim en soutien aux réfugié·e·s. Tous les trois ont atteint les limites de leur seuil de tolérance : ils ne supportent plus le sort que les dirigeants actuels de notre pays réservent aux personnes en exil. Au micro de France Info, le père Demeestère explique ainsi :
La grève de la faim vient redire à toutes les intelligences qui se sont ankylosées, assoupies, ce qui se passe en France. En 2021, dans une démocratie, c’est inacceptable. Il y a quelque chose qui rompt la fraternité humaine. Et en tant que citoyen français, j’ai honte.
Ce que demandent les trois solidaires grévistes de la faim : « la suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale qui doit démarrer le 1er novembre, l’arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées et l’ouverture d’un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État, portant sur l’ouverture et la localisation de points de distribution de tous les biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées »
Nous sommes une armée de cœurs, conscients de l’intolérable comportement de l’État : la puissance publique ne peut se conduire de la sorte. Nous refusons d’être complices ! La solidarité est dans notre ADN, elle est intégrée à notre condition… Humaine.
Voir l’action que j’ai initiée et menée tout au long de l’hiver dernier, avec mes collègues parlementaires écologistes, aux côtés des Solidaires :
Samedi, donc, les Terrasses Solidaires sont inaugurées.
Le lendemain ? Le lendemain… Dimanche… Les Terrasses Solidaires annoncent qu’elles ferment leurs portes temporairement. Il y a trop de monde. Il s’agit d’une décision responsable, prise pour éviter un drame, pour ne pas compromettre l’avenir du site (dont la capacité d’accueil est de 80 personnes), pour ne pas mettre, enfin, délibérément en danger les personnes présentes.
Malgré l’urgence, la nuit de dimanche à lundi est calme : les personnes réfugiées ont rejoint la gare de Briançon dans l’attente d’un départ possible vers d’autres villes de France. Les bénévoles ont poursuivi leur mission de soutien et d’hospitalité : ils ont distribué les couvertures et assuré les repas chauds.
Lundi 27 octobre : Les pouvoirs publics suspendent la possibilité de réaliser les tests antigéniques indispensables à la continuité du parcours des personnes en exil. Les guichets de la gare sont également fermés : il devient alors, de fait, impossible pour les exilé·e·s d’acheter des titres de transport.
Je demande : à quoi jouent nos gouvernants ?
Ils sabotent la solidarité.
Ils tentent de la torpiller.
Ils utilisent la détresse humaine pour parvenir à leurs fins électorales.
Ils n’ont rien compris.
Attiser la haine, c’est contraire à notre constitution… humaine.
Cela fait des mois que la situation dégénère : la rhétorique utilisée, les actes, les refoulements, la brutalité, le rejet … l’autre serait un danger, l’étranger serait une menace, l’exilé serait la source de tous nos problèmes.
Lorsque dans un communiqué de presse, la Préfecture des Hautes-Alpes étrille la solidarité en insinuant que les Terrasses Solidaires ont « provoqué une augmentation des flux dépassant largement les capacités de l’association », le mensonge bat son plein. C’est faux ! L’appel d’air n’existe pas. C’est une fable créée de toute pièce pour attiser les peurs : je le sais pour l’avoir vécu à Grande-Synthe, lorsque j’étais Maire et que j’ai pris la décision de mettre à l’abri les chercheur·se·s de refuge qui jusque-là dormaient dans la boue, abandonné·e·s par l’État.
Mardi 28 octobre, l’État a finalement organisé des transports en bus et un hébergement d’urgence à Lyon. Les élu·e·s accueillant·e·s des villes et métropole de Lyon, de Villeurbanne et de Grenoble, ainsi que des bénévoles et Médecins du Monde étaient sur place : jusqu’au bout ils ont assuré leur rôle de sentinelle de l’humanité.
Ce qu’il me semble primordial de dire, et redire, et partager le plus possible :
Aucun barbelé n’empêchera jamais un être humain de mettre un pied devant l’autre, de chercher la brèche qui lui permettra de survivre. Personne ne s’exile par plaisir !
Militariser à outrance les frontières ne sert strictement à rien. Montrer les muscles et les dents non plus.
Ce n’est qu’un écran de fumée destiné à saboter la fraternité pour assouvir des ambitions électorales peu glorieuses.
Soyons dignes.
Battons-nous pour la solidarité.
Elle est dans notre ADN.
Sans les autres, nous ne sommes pas.
Député Européen Verts / ALE**,
Président de l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants.
Damien Carême est né en Lorraine.
Il est élu maire de Grande-Synthe, dans le Nord, en 2001 et le reste jusqu’en mai 2019, date à laquelle il entre au Parlement européen.
Durant 18 ans, à Grande-Synthe, il mène une politique mue par l’écologie sociale et transforme ainsi radicalement la ville. Capitale française de la biodiversité en 2010, Grande-Synthe voit naître des jardins partagés, des quartiers totalement repensés, des repas 100% bio et locaux dans toutes les cantines, une démarche d’autonomie alimentaire, des transports en commun gratuits, un minimum social garanti (MSG) pour les habitants vivant sous le seuil de pauvreté, une université populaire, des ateliers de fabrique de l’autonomie… Un objectif, clair : créer du sens commun et véritablement entrer « en transition ».
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud. * Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Fin 2015, le conflit syrien pousse à l’exil des milliers de personnes. A Grande-Synthe, ces femmes, ces hommes et ces enfants réfugié.e.s arrivent et stagnent dans des conditions indignes : Damien Carême, contre l’avis de l’Etat, réagit et avec l’aide de Médecins Sans Frontière, met en place le premier camp humanitaire sur le territoire français. Dans la foulée, il fonde l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants, qu’il co-préside aujourd'hui avec Jeanne Barseghian.
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud.
Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Et le 1er juillet 2021 ? Ce jour-là, Damien Carême vit une victoire majeure : dans la matinée, le Conseil d’État rend en effet un arrêt historique dans lequel il sanctionne le gouvernement pour inaction climatique et l’enjoint à prendre, dans un délai de neuf mois, « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs » du pays. Si cette victoire est un pas de géant pour le climat ainsi qu’un véritable séïsme judiciaire, elle est également la concrétisation de la lutte d’un homme qui, un jour de novembre 2018, avait entamé, seul contre l’État, un recours pour inaction climatique. Impossible pour lui de se résoudre à laisser aux générations futures un monde invivable… »
- Président de l'Association des Maires Ville & Banlieue de France en 2014-2015
- Prix Nord/Sud du Conseil de l'Europe en 2018
- Prix Éthique et Société, avec Mention Spéciale du Jury, de la fondation Pierre Simon en 2016
- 9e "Meilleur maire du monde", décerné par la City Mayor Fondation en 2016
- 2016, « On ne peut rien contre la volonté d’un homme » (éd. Stock), livre écrit avec Maryline Baumard