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9 juin 2022

La carte de la honte : criminalisation de la migration et de la solidarité dans l’UE

Criminalisation des personnes exilées. Criminalisation de ceux et celles qui les aident.
Les termes peuvent sembler vagues. Ils illustrent pourtant une réalité glaçante et révoltante.


Lorsqu’un exilé qui tente la traversée entre la Turquie et la Grèce décide de prendre la barre d’une embarcation précaire sur laquelle se pressent des dizaines de personnes et qui s’apprête à chavirer, il est poursuivi en justice en Grèce pour trafic illégal d’êtres humains. Alors qu’il a sauvé des vies. C’est ça, la criminalisation de la migration.

Criminalisation de la migration

Politiques qui traitent les exilé·e·s comme une menace potentielle pour la sécurité, la migration irrégulière comme un crime. Elles impliquent souvent l'utilisation de sanctions pénales pour l'entrée ou le séjour irréguliers.


Lorsque des hommes et des femmes courageus·e·s décident d’aider des personnes exilées vivant dans des conditions inhumaines, l’État les harcèle juridiquement, financièrement et administrativement. Alors qu’ils et elles font preuve d’humanité en les accueillant. C’est ça, la criminalisation de la solidarité.

Criminalisation de la solidarité

Pratiques de répression à l'encontre des personnes qui aident les exilé·e·s notamment par des opérations de recherche et de sauvetage, des activités d'accueil et la fourniture de nourriture, de logement et de services. Sont notamment visé·e·s : les secouristes, les journalistes, les bénévoles, les ONG et les exilé·e·s.

Mimmo Lucano est un exemple frappant de ces pratiques scandaleuses. Alors qu’il a fait le choix d’accueillir dignement des exilé·e·s du monde entier dans le petit village de Calabre dont il était maire, il a subi de nombreuses pressions de la part du ministre de l’intérieur d’extrême droite Salvini. Il est aujourd’hui poursuivi en justice et risque jusqu’à 13 ans de prison. C’est pourquoi je suis allé le soutenir chez lui à Riace !

Mais ce n’est pas un cas isolé...

Nous assistons de façon inexorable à une augmentation alarmante des cas de criminalisation de la solidarité dans les États membres qui touchent aussi bien les solidaires que les chercheurs et chercheuses de refuge

Ce sont les mots sans appels de l’étude commandée par mon groupe des Verts/ALE.
Les chiffres aussi, sont sans appel :
90 c'est le nombre de cas de criminalisation entre janvier 2021 et mars 2022.  
Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. 

Résumé de l'étude

LE CONSTAT ACCABLANT D’UNE ESCALADE DE LA CRIMINALISATION DE LA SOLIDARITÉ DANS L’UE

L'ÉTUDE RÉSILIENCE ET RÉSISTANCE AU MÉPRIS DE LA CRIMINALISATION DE LA SOLIDARITÉ À TRAVERS L’EUROPE

“Le cas de Mimmo Lucano n’est pas isolé et on assiste de façon inexorable à une augmentation alarmante des cas de criminalisation de la solidarité dans les États membres qui touchent aussi bien les solidaires que les chercheurs et chercheuses de refuge.”

L’étude Résilience et résistance au mépris de la criminalisation de la solidarité à travers l’Europe réalisée pour le groupe des Verts/ALE au Parlement européen par Jothy Kanics et de Marta Gionco, spécialistes de la défense des droits humains, dresse un état des lieux des pratiques de criminalisation de la migration et de la solidarité au sein de l’Union européenne (UE). L’étude débouche sur une série de recommandations pour l’UE et ses États membres.

Cette étude souligne que la criminalisation des exilé⸱e⸱s et des personnes faisant acte de solidarité est un phénomène constant, et en nette hausse dans l’UE.  

Les faits et les chiffres présentés, aussi alarmants soient-ils - près de 90 cas de criminalisation entre janvier 2021 et mars 2022 -  illustrent l’ampleur du phénomène mais ne dressent pas un état des lieux exhaustif. Beaucoup de pratiques condamnables passent sous les radars. La crainte de représailles ou conséquences juridiques décourageant de nombreuses victimes de rendre publiques leurs cas. C’est en particulier le cas des défenseurs des droits humains et solidaires qui sont eux-mêmes des personnes exilées, et qui sont, de par leurs situations, particulièrement vulnérables : risque d’être expulsées, détenues arbitrairement, ou de perdre leur statut de protection.  

Cinq tendances principales contribuent à créer et entretenir un « environnement hostile » aux défenseurs des droits des exilés : la criminalisation de la migration en elle-même; les nombreuses dispositions juridiques criminalisant l’aide humanitaire et la solidarité envers les personnes exilées; un processus général de rétrécissement de l’espace civique : harcèlement juridique, administratif et fiscal de la société civile et des défenseurs des droits humains, en Hongrie et en Pologne, mais aussi en France, comme en témoignent les volontaires d’Utopia 56; la détérioration voire l’absence de surveillance indépendante des droits humains; et enfin, les contraintes en matière de financement auxquelles font face les ONG impliquées dans la défense des droits des exilé·e·s. Non seulement la peur de la criminalisation décourage les personnes volontaires sur lesquelles s’appuient ces associations, mais des décisions politiques empêchent souvent leur bon fonctionnement.

Cette étude met aussi en évidence le travail quotidien et les solutions créatives de la société civile qui fait preuve de résilience en s’organisant en coalitions ou en initiant des contentieux stratégiques. 

La carte de la honte

Le carte de la honte ci-dessous recense 5 exemples parmi des dizaines de ces cas de criminalisation de la solidarité et de la migration qui minent l’UE et ses valeurs.

Ces 5 affaires sont représentatives de cette tendance profonde et en constante augmentation contre laquelle je veux m’opposer avec la plus grande force et pousser au contraire pour une politique d’accueil humaine !

Je l’ai fait en faisant construire en tant que maire de Grande-Synthe un camp d’accueil et en essayant de faire vivre la solidarité.
Je le fais aussi en allant soutenir Mimmo Lucano en Italie.
Je le ferai demain en pesant de tout mon poids pour humaniser les politiques européennes d’asile.

Ensemble, proclamons-le avec force :
la solidarité n’est pas un crime !

Pour comprendre les différents cas, cliquez sur les

Cas n°1 : L’exilé sauveteur en mer

  • État : Grèce
  • Faits : Un demandeur d’asile somalien qui avait pris la barre d’un bateau pour sauver des vies a été accusé de trafic d’êtres humains entre la Turquie et la Grèce.
  • Actu : Condamné à 146ans de prison à Lesbos.

Cas n°2 : El Hiblu 3

  • État : Malte
  • Faits : Au cours d'un refoulement illégal, 3 exilés africains ont agi pour apaiser une situation tendue et parlementer avec les conducteurs du navire. Arrivés à Malte, ils ont été emprisonnés pendant 7 mois.
  • Actu : Accusés de terrorisme, ils risquent la prison à vie.

Cas n°3 : Les solidaires à la frontière Pologne-Bélarus

  • État : Pologne
  • Faits : En mars 2022, 13 militant·e·s apportant une aide vitale aux exilé·e·s  gelé·e·s à la frontière ont été accusé·e·s de faciliter l'immigration clandestine.
  • Actu : Le procès est en cours. Les accusé·e·s risquent jusqu'à 8 ans de prison.

Cas n°4 : Les hôtes d’exilé·e·s

  • État : Belgique
  • Affaire : En octobre 2017, 4 personnes hébergeant des exilé·e·s ont été placées en détention pour trafic d'êtres humains.
  • Actu : Après un procès en appel, les hôtes ont finalement été acquittés en mai 2021.

Cas n°5 : Harcèlement des volontaires d’Utopia 56

  • État : France
  • Affaire : En avril 2020, une volontaire d'Utopia 56 a passé 9h en garde à vue pour avoir filmé la police en train de gazer un exilé. Elle s'est aussi vue infliger une amende pour avoir chanté lors de cette détention.
  • Actu : Après 2 ans de procédure judiciaire, le tribunal a reconnu un traitement abusif.