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18 juillet 2022

LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME: LE POINT SUR LES NEGOCIATIONS EN COURS AU PARLEMENT EUROPEEN

Vous avez entendu parler des Pandora Papers. Les Suisse Secrets et Open Lux vous disent aussi quelque chose. Dans la période particulière que nous vivons depuis le début de la guerre en Ukraine, vous avez aussi entendu parler de l’argent sale des oligarques russes, et notamment des visas et passeports dorés qu’on leur accorde, ou encore de la difficulté d’identifier les avoirs des personnes visées par des sanctions : l’argent sale… salit tout. Jusqu’à la lie. Ce n’est plus acceptable, ce n’est plus supportable. De toutes mes forces, je travaille à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Au mois de mars, au Parlement européen, nous avons présenté, avec mon co-rapporteur Eero HEINÄLUOMA (eurodéputé finlandais siégeant au sein du groupe des socialistes et démocrates - S&D), notre projet de rapport sur le nouveau règlement anti-blanchiment d’argent et financement du terrorisme : un texte majeur du « paquet législatif » proposé par la Commission européenne en juillet 2021.

Les négociations en cours au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne (réunissant les représentant·e·s de tous les États membres de l’UE) sont déterminantes dans la lutte que nous engageons… Je vous explique.

CE QU'IL FAUT SAVOIR

Le blanchiment d’argent concerne environ 2 à 5% du PIB mondial. D’après les Nations unies, il dépasse les 2 000 milliards de dollars par an. C’est un fléau absolu. Dans l’Union européenne, selon les estimations de la Commission, les transactions impliquant de l'argent sale représentent environ 1,5 % du PIB de l’Union, soient 133 milliards d'euros. C’est absolument gigantesque.

Bien que l'ampleur exacte du blanchiment de capitaux soit difficile à mesurer en raison de sa nature secrète, ces chiffres démontrent l’ampleur du scandale, ainsi que les lacunes de la politique actuelle de lutte contre le blanchiment de capitaux, et donc… forcément… de lutte contre le financement du terrorisme. Il faut absolument comprendre ça : les deux sont liés.

Pourquoi les actions menées jusqu’ici ont été (et sont toujours !) infructueuses :

  • La dernière directive européenne anti-blanchiment date de 2018. Ces 30 dernières années, pas moins de 5 directives se sont succédé.

  • Toutes ces directives se sont révélées inefficaces

  1. Parce que la surveillance et la détection des transactions suspectes est largement insuffisante. De nombreuses entités particulièrement sujettes au risque de blanchiment et de corruption (par exemple les clubs de football, les fournisseurs de crypto-monnaies ou encore les casinos) n’étaient pas (ou pas complètement) soumises à la législation européenne en matière de lutte contre le blanchiment. La supervision de ces entités est également insuffisante, tout comme les sanctions.
  2. Parce que l’opacité des montages juridiques et financiers, ainsi que la nature transfrontière du fléau, empêchent l’identification rapide et complète des réels bénéficiaires de biens financiers, transactions et propriétés au sein de l’UE. Ces données devraient être actualisées régulièrement, et rendues plus facilement accessibles aux autorités de contrôle et de poursuite de tous les États membres.
  1. Parce que toutes ces directives, les unes après les autres, ont instauré une sorte de flou, et ont contribué à la création d’un patchwork inégal entre les pays, au point que certains États membres n’ont même pas encore mis en œuvre entièrement la dernière directive anti-blanchiment dans leur droit national.

ET DONC

Le nouveau « paquet anti-blanchiment » (c’est ainsi qu’on l’appelle), celui sur lequel je travaille avec mes collègues eurodéputé·e·s, vise précisément à combler ces lacunes en élargissant la liste des entités soumises aux règles européennes, en précisant les exigences en termes d’informations à transmettre, et en instaurant une supervision au niveau européen. Il contient trois règlements, que les États membres doivent directement appliquer, sans marge de manœuvre, afin d’harmoniser une fois pour toutes le cadre juridique européen.  

Dans ce nouveau paquet, on trouve 4 propositions législatives majeures : vous pouvez les découvrir, en cliquant sur les liens suivants. Je suis co-rapporteur sur le premier de ces textes, rapporteur fictif (négociateur au nom du groupe des Verts/ALE) sur le deuxième, et activement engagé dans les négociations sur les deux derniers. Les quatre propositions étant intrinsèquement liées. 

Proposition #1 : Nouveau règlement en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme pour enfin harmoniser le cadre européen. 

Proposition #2 : 6ème Directive européenne anti-blanchiment pour préciser les mécanismes et outils devant être mis en place par les États membres. 

Proposition #3 : Règlement créant une autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux pour superviser et coordonner la bonne application des règles au niveau européen. 

Proposition #4 : Règlement sur les transferts de fonds et de crypto-actifs pour renforcer les exigences de transparence s’appliquant aux transferts financiers et notamment aux crypto-monnaies.

POURQUOI CETTE REFORME, CE NOUVEAU « PAQUET » EST ESSENTIEL À NOTRE DEMOCRATIE EUROPEENNE :

Pour répondre pleinement aux enjeux auxquels nous faisons face, et cela grâce à des propositions concrètes !
Ce pourquoi je me bats :

  • Des critères clairs et incontournables dans l’évaluation des pays tiers à risques. Pourquoi le Panama figure-t-il actuellement sur la liste noire des paradis fiscaux de l’UE mais pas les îles Cayman, plus gros paradis fiscal au monde ? En cas de doutes, le Parlement européen, représentant les intérêts des citoyenne·s, devrait pouvoir demander à la Commission d’analyser les risques spécifiques posés par un pays ou par une banque ou un établissement financier.

  • L’élargissement des règles anti-blanchiment aux secteurs à haut risque : parmi eux les clubs et agents de football bien sûr, mais aussi les fournisseurs de crypto monnaies. Moins il y a d’exceptions, moins il y a de failles !

  • Un rôle accru du Parlement européen dans l’identification des pays et organisations considérés comme une menace pour le système financier de l’UE. Cela fait bien longtemps que le Parlement dénonce l’absence de pays comme les îles Cayman dans la liste noire ou le rôle de facilitateur des grandes banques ! Cessons d’attendre passivement un nouveau scandale.

  • La création de registres recensant les propriétaires et bénéficiaires véritables de biens et actifs de grande valeur, y compris les biens fonciers et immobiliers. L’accès à ces données doit également être facilité par l’interconnexion de l’ensemble des registres établis par les États membres, via une plateforme centrale européenne. C’est crucial pour éviter notamment que les oligarques russes échappent aux sanctions financières depuis leurs résidences de luxe sur la Côte d’azur.

  • Le renforcement des règles de vigilance à l’égard de personnes spécifiques, telles que :

    • Les personnes très fortunées. Les nombreux scandales financiers ont en effet montré que ces cliente·s bénéficient parfois de passe-droits, alors que les citoyen·ne·s ordinaires doivent satisfaire toutes les exigences de transparence fiscale.
    • Les personnes politiquement exposées. Les maires, dirigeante·s de collectivités régionales et locales gèrent des budgets parfois colossaux et sont également habilité·e·s à passer des marchés publics, ce qui représente des risques très élevés. Sans oublier les frères et sœurs de ces personnes qui devraient également être ajouté·e·s à la définition de membres de la famille, en raison de leur proximité évidente. On ne compte plus, par exemple, le nombre de frères, sœurs et cousin·e ·s d’oligarques russes qui possèdent des propriétés luxueuses et permettent ainsi d’éviter les sanctions, comme en témoigne cette liste instructive de l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project).
  • La fin des visas et des passeports dorés (voir l'article). Entre 2011 et 2019, au moins 130 000 ressortissante·s de pays tiers - dont des ressortissant·e·s russes et biélorusses faisant actuellement l’objet de sanctions et figurant sur la liste noire de l’UE - ont bénéficié de "visas dorés" et de "passeports dorés" ! Avec des recettes de plus de 21,8 milliards d'euros pour les États membres, comme Chypre ou Malte, qui gèrent ces programmes. Or, nous savons que les régimes de résidence et de citoyenneté par investissement présentent de réels risques en matière de sécurité et de blanchiment de capitaux. Depuis 2014, le Parlement européen demande à ce que les régimes de « passeports dorés » soient supprimés, et à ce que les régimes de « visas dorés » soient strictement réglementés pour qu'ils perdent leur attrait pour les criminels. Il est plus que temps d’agir !

  • Tout cela bien sûr en assurant le respect des droits fondamentaux, y compris en matière de protection des données à caractère personnel. Si les objectifs spécifiques poursuivis dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme peuvent justifier que des données révélant indirectement un caractère particulièrement sensible puissent être collectées, analysées, stockées et partagées, le traitement de telles données doit être soumis à des règles claires et très strictes.

  • Ces objectifs, si l’on veut les atteindre, requièrent aussi une réelle supervision et une bonne coopération au niveau européen. La création d’une autorité de lutte contre le blanchiment d’argent et l’interconnexion des registres via une plateforme européenne unique seraient des avancées majeures en ce sens.

Les étapes à venir :

Les négociations sur le règlement sur les transferts de fonds sont déjà bien avancées. Le Parlement et le Conseil de l’UE ont trouvé un accord et les premiers échos de ces négociations sont réjouissants : les États membres semblent partager les priorités du Parlement !
En ce qui concerne les trois autres textes, les débats entre parlementaires commencera en septembre. Au vu de l’esprit de compromis qui pèse sur ces dossiers, nous espérons qu’une position ambitieuse puisse être adoptée par le Parlement d’ici la fin 2022, pour commencer les négociations interinstitutionnelles dès 2023.

Je souhaite, en tant que co-rapporteur et négociateur pour le groupe des Verts/ALE, impulser une réforme ambitieuse de la législation actuelle, pour que nous nous dotions d’un ensemble de règles cohérent et solide en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. À la hauteur des enjeux actuels, et apte à enfin combler les lacunes du système actuel.
Vous pouvez compter sur mon engagement !