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19 avril 2023

Pourquoi je me suis opposé à la révision du marché carbone européen

(ETS 1 et 2 en jargon européen)

Mardi 18 avril, au Parlement européen, nous avons voté de nouvelles lois sur le climat.

Cet ensemble de lois, le paquet “Fit for 55” ou "Ajustement à l'objectif 55", a un objectif simple : réduire nos émissions nettes de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 en Europe.

En tant qu'écologistes, ce Pacte vert était, évidemment, crucial.

Mais si ces textes sont relativement bons sur leurs objectifs climat, l’un d’entre eux me préoccupe d’un point de vue social : l'extension du marché carbone au logement et au transport pour les particuliers. En résumé, un marché carbone qui impacterait les ménages, sans distinction.

Le marché carbone, en place depuis 2005, s’applique aux secteurs les plus émetteurs de CO2 (industries du ciment, de l’acier etc.). C’est l’un des instruments majeurs de l'UE pour lutter contre le changement climatique même s’il n’est pas dépourvu de failles dont les entreprises ont su profiter. En 2021, je vous expliquais ici les 25 milliards de profits réalisés par les industries polluantes en Europe grâce à la revente des quotas carbone qu’elles avaient reçus gratuitement, les fameux quotas gratuits.

Mais la Commission européenne, en proposant dans sa réforme d’étendre ce marché carbone aux ménages, a amorcé une véritable bombe sociale !

Une extension à laquelle, nous, les écologistes, nous nous sommes farouchement opposés.

Ce que je défends, avec les eurodéputés écologistes français, c’est une écologie sociale. Pas le verdissement du capitalisme !

Après un épisode rocambolesque, la position adoptée par le parlement européen en 2022 excluait l'extension du marché carbone au logement et au transport pour les particuliers.

C’est pourquoi, j’ai alors voté en faveur de cette réforme. Bien moins ambitieuse que ce que les écologistes souhaitaient, elle portait quelques avancées pour le climat : la réduction des émissions à 63% d’ici 2030, une couverture plus large du secteur maritime et la mise en place du Fonds Social Climat dès 2024.

Mais adopter une loi européenne est un long processus qui implique la Commission européenne qui propose, le Parlement européen qui amende et vote sa version de la loi et les États membres qui adoptent une position commune. C’est sur la base de ces 3 textes que des représentant·es du Parlement, du Conseil et de la Commission négocient au cours des trilogues, des réunions tripartites informelles sur des propositions législatives. Quand un compromis est finalement trouvé, il est soumis aux votes des député·es Parlement européen.

C’est sur ce compromis final que nous devions nous exprimer. Mais dans ce compromis âprement négocié, les États membres ont fortement poussé pour que l’extension du marché carbone aux transports et aux bâtiments des particuliers. Une ligne rouge pour moi !

Vouloir sauver la planète ne peut pas se faire au détriment des plus démunis.

Des lois climatiques ambitieuses doivent intégrer la dimension sociale, pas creuser les inégalités en Europe !

Pour aboutir à la neutralité climatique d’ici 2050, il est nécessaire de fixer un prix du carbone. Mais choisir de l’étendre aux logements et aux transports, c’est taxer les ménages indistinctement. Or, tous les ménages ne sont pas égaux ! Certains n’ont pas les moyens de rénover l’isolation de leur habitation et consomment énormément d’énergie pour se chauffer ; d’autres ne vivent pas dans des centres-villes bien desservis en transports urbains et sont tributaires de la voiture et du coût des carburants.

Que va-t-on leur dire ? Vous êtes les plus vulnérables, c’est vous qui polluez le moins mais c’est vous qui proportionnellement serez les plus taxés ?

Et le pire dans tout cela, c’est que les ménages se verront appliquer un prix carbone en 2028 au plus tard, quand les industries bénéficieront de quotas carbone gratuits jusqu’en 2034 !

Protéger les pollueurs au détriment des plus vulnérables est pour moi inacceptable.

Taxer tout le monde de la même façon, c’est être hors sol. C’est nier les immenses disparités sociales en Europe, au sein de chaque État membre et entre différents Etats membres.

Avec les eurodéputé·es écologistes français·es, nous avons donc voté contre ce texte, dans un souci de justice sociale.

Quels sont les autres textes du paquet "Ajustement à l'objectif 55"sur lesquels nous avons voté aujourd’hui ?

Tout d’abord, l'instauration d’une taxe carbone aux frontières

Ce qu’on a appelé : le “mécanisme d’ajustement carbone aux frontières” (MACF). 

En tant que rapporteur dans la commission des affaires économiques et rapporteur pour le Groupe des Verts/ALE en commission Industrie, j’ai joué un rôle particulier sur ce texte, et le résultat est positif !

Actuellement, ⅓ de l’empreinte carbone de l’Union Européenne est dû à ses importations. C’est gigantesque ! 

Jusqu’à maintenant, certaines entreprises délocalisaient leur production vers des pays-tiers, peu regardants sur les émissions de gaz à effet de serre, pour échapper au système européen des quotas de Co2. 

C'est-à-dire qu’une entreprise européenne pouvait délocaliser sa production en dehors de l’Europe pour échapper aux limites d’émissions de gaz à effets de serre imposées par les quotas, et ensuite importer en Europe des produits moins respectueux du climat et moins chers. Avec l’introduction de ce nouvel instrument mondial de protection du climat, c’est terminé ! 

Adopté à une large majorité, le MACF va donc avoir un effet direct sur les entreprises polluantes : il va les contraindre à payer des compensations de Co2, même lorsqu’elles produisent en dehors de l’UE ! 

Dernier texte adopté aujourd’hui : Le fonds social pour le climat

Son objectif est d’accompagner les ménages les plus vulnérables vers la transition énergétique. Ces aides fléchées vers les populations les plus fragiles sont une première en Europe ! 

Si c’est un réel progrès social pour l’Europe, je regrette vraiment qu’il ne soit pas suffisamment doté pour faire face à la précarité énergétique à laquelle sont confronté·es de plus en plus de nos concitoyennes et concitoyens européen·nes.