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Le Règlement crise, qu’est-ce que c’est ?

Le Règlement Crise, proposé en 2020 en même temps que les autres textes du Pacte, avait vocation à remplacer la Directive sur la protection temporaire (DPT). La DPT est un système de protection immédiate et collective qui existe depuis 2001, pourtant activée pour la première fois en 2022, au moment de l’invasion russe en Ukraine. Elle a permis à des millions d’Ukrainien·nes, en simplifiant les procédures, de trouver rapidement refuge et protection dans les pays de l’UE, tout en bénéficiant de la liberté de circulation. C’est un très bon outil, qui a démontré son utilité et son efficacité !

Pourtant, le nouveau Règlement Crise introduit un large nombre de dérogations aux règles de droit commun ainsi qu'un mécanisme de solidarité, qui s'appliqueront dans le ou les États membres considéré(s) comme faisant face à des situations de crise, de force majeure et d'instrumentalisation.

C’est le régime d’asile européen commun qui est mis en péril. L’activation de ce Règlement entraînera un allongement des délais d'enregistrement des demandes d'asile, ainsi que les délais de procédures à la frontière (filtrage, asile, retour). Les exilé·es seront placé·es dans un vide juridique et/ou privé·es massivement de liberté aux frontières, pendant encore plus longtemps. Les conditions matérielles d'accueil pourront être revues à la baisse.

Mes combats lors des négociations sur le règlement Crise

  • Tout au long des négociations, je me suis battu pour le maintien de la Directive protection temporaire, qui a fait ses preuves lors de l’accueil des Ukrainien·nes et ne doit pas être abrogée.

  • J’ai défendu, comme pour le Règlement AMMR, la mise en place d’un mécanisme de solidarité obligatoire, qui assurerait des relocalisations d’exilé·es depuis un État membre en crise vers les autres États membres de l’Union. 

  • J’ai soutenu l’introduction du concept de « protection prima facie » en droit européen, qui aurait permis à la Commission européenne de désigner des groupes spécifiques d’exilé·es, qui se verraient automatiquement protégé·es au sein de l’UE, du seul fait de leur appartenance à ce groupe, avant toute évaluation de leurs craintes personnelles de persécution.
  • Je me suis battu contre l’intégration dans le Règlement Crise de la notion de force majeure ou d’instrumentalisation, des notions qui permettent aux États membres de largement déroger à la législation européenne en matière d'asile dans des circonstances floues. Le champ d’application du Règlement devrait se limiter aux seules situations de crise, avec une définition claire.
  • J’ai rappelé régulièrement la nécessité pour les États membres de respecter les droits fondamentaux des exilé·es, même dans ces situations de crise.
  • Tout au long des négociations, je me suis battu pour le maintien de la Directive protection temporaire, qui a fait ses preuves lors de l’accueil des Ukrainien·nes et ne doit pas être abrogée.

  • J’ai défendu, comme pour le Règlement AMMR, la mise en place d’un mécanisme de solidarité obligatoire, qui assurerait des relocalisations d’exilé·es depuis un État membre en crise vers les autres États membres de l’Union. 

  • J’ai soutenu l’introduction du concept de « protection prima facie » en droit européen, qui aurait permis à la Commission européenne de désigner des groupes spécifiques d’exilé·es, qui se verraient automatiquement protégé·es au sein de l’UE, du seul fait de leur appartenance à ce groupe, avant toute évaluation de leurs craintes personnelles de persécution.
  • Je me suis battu contre l’intégration dans le Règlement Crise de la notion de force majeure ou d’instrumentalisation, des notions qui permettent aux États membres de largement déroger à la législation européenne en matière d'asile dans des circonstances floues. Le champ d’application du Règlement devrait se limiter aux seules situations de crise, avec une définition claire.
  • J’ai rappelé régulièrement la nécessité pour les États membres de respecter les droits fondamentaux des exilé·es, même dans ces situations de crise.

Le contenu du texte, à l’issue des négociations

Tel qu’adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’UE, le Règlement Crise introduit de nombreuses dérogations aux règles de droit commun, dans des situations multiples aux définitions floues. Les exilé·es seront placé·es dans un vide juridique et massivement privé·es de liberté aux frontières. Ce Règlement introduit également le concept d’instrumentalisation, ainsi que des dispositions pouvant être détournées pour criminaliser l’aide humanitaire. C’est pourquoi j’ai voté contre l’adoption de ce texte.

1. Nombreuses dérogations largement activables par les Etats membres

  • Le Règlement instaure de nombreuses dérogations, qui remettent en cause l’idée même d’un régime européen commun. Celles-ci seront activables par un ou des États membres dans trois situations : crise, force majeure, et instrumentalisation des exilé·es

  • Ce large éventail de dérogations à la procédure d'asile normale, liés aux  concepts dangereux et généraux de « force majeure » et d' « instrumentalisation », entraîneront, en pratique, toujours plus d’atteintes aux droits les plus fondamentaux des exilé·es.

  • Avec ces dérogations nombreuses et multiples, l’objectif est de rendre légales les pratiques actuelles des Etats membres, au lieu de les dénoncer et de les sanctionner. 

2. Détention toujours plus massive et plus longue des exilé·es

  • Les États membres pourront retarder de 4 semaines l'enregistrement des demandes d'asile, ce qui placera les demandeur·euses d’asile dans un vide juridique, augmentant les risques de violations des droits et allongeant les parcours d’errance.

  • En situations de crise ou de force majeure, les placements en procédure d’asile à la frontière seront décuplés (nationalités dont le taux de protection moyen au sein de l’UE est inférieur à 50% - c’est à dire quasiment tous les demandeur·euses). 

  • En situation d’instrumentalisation, 100% des demandeur·euses d’asile seront placés en procédure à la frontière.

  • Les procédures d’asile et de retour à la frontière, donc en détention, pourront être respectivement prolongées de 6 semaines, pouvant porter la durée totale de détention des exilé·es à près d’un an.

3. L’intégration du concept d’instrumentalisation des exilé·es

  • Le dangereux concept d'instrumentalisation est introduit dans ce Règlement, ouvrant la voie à de multiples dérives de la part des États membres ainsi qu’à l’application de règles portant atteinte aux principes les plus fondamentaux du droit d’asile. 
  • L’instrumentalisation englobe également les actions des "acteurs non étatiques hostiles" ayant pour objectif de “déstabiliser l’Union”. En pratique, ce Règlement pourrait donc être utilisé à des fins de harcèlement et de criminalisation des ONG et humanitaires, notamment en matière d’assistance et de secours en mer et aux frontières. C’est très grave.

4. Protection et solidarité au rabais

  • Si le Règlement Crise n’abroge pas la Directive protection temporaire, il est très peu probable qu’elle soit réactivée à l’avenir. 

  • Le Règlement Crise aurait donc dû prévoir la possibilité d’octroyer rapidement une protection au sein de l’UE à des groupes spécifiques d’exilé·es, sur la base de critères objectifs. C’est le concept de protection prima facie que mon groupe et le Parlement défendaient, qui a été finalement rejeté par les États membres.  

  • Même en situations de crise, de force majeure ou d’instrumentalisation, qui entraîneront rapidement la saturation des systèmes d’accueil et d’asile des États membres, le mécanisme de solidarité prévu par le Règlement Crise n’est pas à la hauteur des enjeux. Aucune obligation de relocaliser rapidement les exilé·es au sein de l’UE. Les relocalisations ne sont même pas priorisées par rapport aux contributions financières que peuvent verser les Etats membres pour se décharger de leurs responsabilités. La solidarité est réellement la grande perdante de cette réforme !