D’autres amendements avec lesquels j’étais en désaccord ont été adoptés : ceux du PPE (LR) considérant que Frontex joue un rôle « essentiel » dans la protection des frontières extérieures de l’UE, notamment en augmentant les retours, sans aucune référence aux violations évoquées plus haut, ou ceux supprimant les références à l'absence de voies sûres et légales d'accès à l'UE et ses impacts sur la migration irrégulière ainsi qu’à la surreprésentation des pêcheurs parmi les exilé·es ; ceux du groupe Renew (macronistes) - aux vieux relents de Françafrique - qui veulent faire l’impasse sur les conclusions à tirer des réticences du Sénégal à mener ces négociations ou ceux qui suppriment la demande du Parlement européen de faciliter les délivrances de visa Schengen.
Avec ces amendements, droite, extrême droite et libéraux ont fait d’un rapport du Parlement européen s’inquiétant d’un potentiel accord entre Frontex et le Sénégal et des rapports de domination observés lors des négociations, un véritable plaidoyer en faveur de la poursuite de relations néocoloniales où l’UE exige et impose accords et conditions. Du déploiement tous azimuts de Frontex -sans renforcer ses obligations en matière de droits humains - à la sous-traitance de nos responsabilités et du contrôle des frontières extérieures européennes à des pays tiers, où, à l’aveuglement volontaire sur les causes de la pauvreté et de l’exil - conséquences directes de politiques européennes prédatrices - se mêle l’obsession d’une Europe forteresse.
Le rejet de ce rapport extrêmement critique sur la façon dont sont menées les négociations entre l’UE et le Sénégal, ainsi que leur teneur, est de très mauvais augure car la Commission européenne ne compte pas en rester là. Après l’accord sur le déploiement des activités de Frontex scellé avec la Mauritanie, celui en cours avec le Sénégal, elle s’apprête à signer prochainement un accord de même nature avec l’Albanie.
L’Union européenne repousse toujours plus ses frontières, ses responsabilités, ses valeurs.
Elle le fait en multipliant les accords de déploiement des activités de Frontex dans des États Membres de l’Union européenne qui n’ont pas encore rejoint l’espace Schengen ou, comme ici, dans des pays tiers. Elle le fait aussi en signant de plus en plus de « protocoles d’entente » avec les pays du pourtour Méditerranéen, pays d’origine et de transit, sur le modèle de ce qui a été fait avec la Tunisie, comme je vous le racontais ici en septembre 2023.
Depuis, avec la même logique néocoloniale et les mêmes objectifs de gestion des migrations et de contrôle des frontières, elle a signé un protocole de ce type avec la Mauritanie et l’Égypte, les 7 et 17 mars respectivement. Contre 7.4 milliards d’Euros sonnant et trébuchant, l’Union européenne pactise avec le diable dans le seul but d’empêcher les départs d’exilé·es vers l’Europe. Et tant pis si, depuis son coup d’état militaire de 2013, le régime du Président al-Sissi viole massivement les droits humains, emprisonne ses opposant·es, qu’il a réduit le système judiciaire à un outil au service de la répression et que l’opposition, la société civile indépendante et les médias libres ont été quasiment anéantis.
L’Union européenne, toute à son obsession sécuritaire, renforce sans vergogne les régimes autoritaires de la région, sans vouloir reconnaître que ces accords, en plus d’être indignes et inhumains, créent les conditions de migrations futures.
Ce n’est pas l’Europe que je défends !