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L’AFFAIRE GRANDE-SYNTHE AU CONSEIL D’ÉTAT : UN RECOURS HISTORIQUE CONTRE L’INACTION CLIMATIQUE

En novembre 2018, j’ai entamé, seul, une procédure contre l’État. J’étais alors maire de Grande-Synthe, dans les Hauts-de-France, à côté de Dunkerque, en bord de mer. À cette date, cette ville de 23000 habitant·e·s faisait sa part pour lutter contre le réchauffement climatique : à travers chacune de ses politiques, soutenues par la population active et convaincue, elle menait sa transition écologique. Pourtant… Pour Grande-Synthe, les risques de submersion marine s’avéraient bien réels. Trop réels : les études scientifiques établissaient l’insupportable échéance dans moins de 30 ans. 30 ans : une génération. 30 ans : nos petits-enfants ! Je n’ai pas pu m’y résoudre. D’où venait le problème ? De plus haut. De l’État, pour commencer. Cet État qui lui, ne la faisait pas, sa part. Cet État qui signait des engagements et ne les honorait jamais.

Profondément inquiet, j’ai alors décidé d’agir pour qu’une décision soit prise, une décision qui puisse enfin sonner le glas de l’inaction climatique. Une décision qui puisse changer le cours de la catastrophe annoncée, le cours des bons vieux discours mensongers et des promesses jamais tenues. Je voulais en finir avec la léthargie. Je voulais que le refus d’agir de l’État, son abandon, soit condamné.

UNE CHRONOLOGIE INÉDITE POUR DES ENJEUX GIGANTESQUES

11 JUIN 2021, Paris.

Jour d’audience publique au Conseil d’État

À l’issue de la séance, le rapporteur public Stéphane Hoynck demande au Conseil d’État, c’est-à-dire la plus haute juridiction administrative française, de contraindre le gouvernement à agir pour lutter 1. enfin efficacement 2. surtout réellement, contre le réchauffement climatique.

CETTE DÉCISION EST HISTORIQUE : ELLE EST UNE ÉTAPE DU PROCESSUS QUE J’AI ENGAGÉ À LA FIN DE L’ANNÉE 2018 EN MON NOM PROPRE ET AU NOM DE LA VILLE DONT J’ÉTAIS ALORS LE MAIRE : GRANDE-SYNTHE.

Finies les promesses jamais tenues : cette fois la France est sommée de « prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs » affichés.

DE QUELS OBJECTIFS PARLE-T-ON EXACTEMENT ?

  • La réduction des émissions de gaz à effets de serre de 40% d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 1990)
  • La neutralité carbone d’ici 2050

POURQUOI CETTE DÉCISION PEUT RÉELLEMENT CHANGER LE COURS DES CHOSES, ET COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ·E·S LÀ

  • NOVEMBRE 2018

    RECOURS GRACIEUX CONTRE L’ÉTAT POUR SON INACTION EN MATIÈRE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE

    Damien Carême est maire de Grande-Synthe. Les scientifiques évaluent le risque de submersion de la ville à moins de 30 ans. Cela lui est insupportable : il engage une action en justice contre l’État qui signe des accords et continue tranquillement… de ne rien faire.

    Voir la vidéo
  • JANVIER 2019

    RECOURS PORTÉ AU CONSEIL D'ÉTAT

    N’ayant reçu aucune réponse de l’État à la suite des recours gracieux qu’il a formulés le 19 novembre, et le délai de 2 mois étant expiré ; Damien Carême, comme le lui permet la loi, porte son recours vers la juridiction supérieure, obligeant ainsi l’État à se positionner et à lui répondre. « Quelques mois plus tard, j’accepte volontiers que l’Affaire du Siècle (composée des quatre ONG Notre affaire à tous + la Fondation Nicolas Hulot + Greenpeace France + Oxfam France), la ville de Grenoble et la ville de Paris se joignent à la procédure que j’ai engagée. »

  • MAI 2019

    ÉLU DÉPUTÉ EUROPÉEN,

    Damien Carême met fin à son mandat de maire de Grande-Synthe.

  • NOVEMBRE 2020

    UNE DÉCISION HISTORIQUE !

    Le 19 novembre, le Conseil d’État juge que la France n’est pas à la hauteur et la somme d’en finir avec les belles paroles : lui est expressément demandé de poser sur la table son plan d’attaque, et de le mettre en œuvre. À partir de cette date, l’État a 3 mois pour passer à l’action et justifier que les mesures prises lui permettront d’atteindre ses objectifs climatiques, en particulier la réduction des émissions de 40% des gaz à effet de serre d’ici 2030.

    Lire la décision du conseil d'état
  • 1ER JUILLET 2021

    Le Conseil d’Etat rend une nouvelle décision. Il somme à l’exécutif de « prendre toutes les mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effets de serre » dans un délai de 9 mois.

  • 10 MAI 2023

    Le Conseil d’Etat rend une nouvelle décision, après avoir vérifié si les actions mises en œuvre par la France traduisent une correcte exécution de sa décision du 1er juillet 2021. La décision Grande Synthe III est tombée : la haute juridiction enjoint à nouveau le gouvernement à prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret du 21 avril 2020. Et ce en vue d’atteindre les objectifs de diminution fixés par le code de l’énergie et par le règlement (UE) du 30 mai 2018 avant le 30 juin 2024.

La suite ? Des rendez-vous fin 2023 et en juin 2024 pour vérifier l’avancée des actions de la France ! Je vous tiens informés.

NOTA BENE // À l’occasion de cette décision, le Conseil d’État considère que Damien Carême n’a pas d’intérêt individuel à agir et le déboute en tant qu’individu. Damien Carême fait appel auprès de la Cour de justice européenne pour se faire réintégrer. Le recours porté au nom de la Ville de Grande-Synthe est quant à lui bien validé.

 JUIN 2021

UN PAS DE PLUS VERS LA JUSTICE CLIMATIQUE !

LE RAPPORTEUR PUBLIC DONNE RAISON À DAMIEN CARÊME.

Le délai est expiré. L’État n’a pas convaincu, il n’est entre autres pas parvenu à justifier que sa trajectoire de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pourra être respectée. En outre, la loi Climat et Résilience du gouvernement a été épinglée pour son manque d’ambition.

LORS DE L’AUDIENCE DU 11 JUIN, LE RAPPORTEUR PUBLIC, STÉPHANE HOYNCK SUGGÈRE AU CONSEIL D’ÉTAT D’ENJOINDRE LE PREMIER MINISTRE À « PRENDRE TOUTES MESURES UTILES PERMETTANT D’INFLÉCHIR LA COURBE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE PRODUITES SUR LE TERRITOIRE NATIONAL AFIN D’ASSURER SA COMPATIBILITÉ AVEC LES OBJECTIFS » DU PAYS, DANS UN DÉLAI DE 9 MOIS.

5 INFOS CLÉS

  1. Le Conseil d’État doit rendre son délibéré le 1er juillet.
  2. Dans la grande majorité des cas (environ 7 fois sur 10), ce dernier suit les conclusions de son rapporteur.
  3. Si tel est le cas dans cette affaire, le Conseil d’État pourrait donc enjoindre le gouvernement – c’est-à-dire faire une injonction au premier ministre, à passer à l’action en matière de politique climatique : il lui faudrait alors prendre de nouvelles mesures pour réduire les émissions françaises. Les discours et les belles promesses ne suffiraient plus.
  4. Le délai de 9 mois suggéré par le rapporteur public mène au printemps 2022, soit la dernière ligne droite de la campagne présidentielle.
  5. Si injonction est faite au premier ministre, et qu’à l’issue du délai imparti – 9 mois ou tout autre délai fixé par le Conseil d’État, aucune nouvelle mesure n’a été prise, ou bien si ces mesures sont insuffisantes, une nouvelle demande pourra être portée au Conseil d’État : cette fois pour enjoindre le gouvernement à agir sous peine d’astreintes financières. Ces astreintes peuvent aller jusqu’à 10 millions d’€ par semestre de retard d’action, soient 20 millions d’€ par an : ces montants ont par exemple été retenus dans le dossier de la pollution de l’air (recours déposé par les Amis de la Terre et 77 associations et lançeur·ses d’alerte) dans lequel l’État a été contraint d’agir dans les 6 mois pour respecter les taux réglementaires de pollution atmosphérique.

Je remercie Corinne Lepage, mon avocate et celle de la ville de Grande-Synthe, depuis le début de cette procédure.

Climat : le Conseil d'État somme le gouvernement d'agir pour réduire ses émissions d'ici un an