La Directive sur les conditions d’accueil, qu’est-ce que c’est ?
L’actuelle Directive « Accueil » de 2013 établit les normes minimales pour l’accueil des personnes demandant l’asile dans les États membres de l’UE. Par exemple, elle détermine les conditions dans lesquelles les demandeur·euses d’asile doivent accéder au logement, à la nourriture, à l'habillement, aux soins de santé, à l'emploi, ainsi qu’à l'éducation, pour les mineur·es.
Cette Directive contient également des dispositions relatives aux personnes vulnérables, en particulier les mineur·es non accompagné·es et les victimes de torture. Elle encadre également les possibilités de recours à la détention, et rappelle que les mesures alternatives à la détention doivent toujours être privilégiées pour les demandeur·euses d’asile.
En 2016, trois ans seulement après son adoption, la Commission a proposé une nouvelle refonte de la Directive afin d'harmoniser davantage les conditions d'accueil des demandeur·euses d’asile dans l'ensemble de l'UE. La Commission souhaite également lutter contre les « mouvements secondaires », c'est-à-dire dissuader les déplacements non autorisés de demandeur·euses d’asile entre plusieurs États membres.
Les négociations sur la refonte de la Directive Accueil n’ayant pas abouti durant le précédent mandat, elles ont continué jusqu’en décembre 2022. Ce nouveau texte s’appliquera aux demandeur·euses d’asile ainsi qu’aux personnes bénéficiant de la protection temporaire (actuellement, les exilé·es d’Ukraine).
Le contenu du texte, à l’issue des négociations
L’impact de cette réforme de la Directive Accueil sur les droits des demandeur·euses d’asile au sein de l’UE ne peut pas être évalué en silo : les conséquences des autres textes du Pacte asile et migration sur les conditions de vie des exilé·es (recours massif aux procédures d’asile en détention, revue à la baisse des droits et possibilités de recours, y compris pour les personnes les plus vulnérables, dont les enfants) doivent évidemment être prises en compte.
Certaines améliorations par rapport au texte de la Directive actuelle sont à saluer : une meilleure protection des droits garantis aux demandeur·ses d’asile en détention, y compris le strict encadrement du recours à la détention pour les enfants.
La refonte de la Directive Accueil comporte cependant des éléments qui entraîneront en pratique une détérioration des conditions de vie de nombreux·ses demandeur·euses d’asile dans l'UE : restrictions supplémentaires à la liberté de circulation, nouveaux motifs de détention, élargissement des possibilités de retrait des conditions d’accueil, restriction de l’accès au marché de l’emploi. C’est pourquoi je me suis abstenu lors du vote sur l’adoption de cette refonte de la Directive Accueil.
1. Une meilleure protection des demandeur·euses d’asile placés en détention
- La détention des enfants est en principe exclue et les possibilités de recours à la détention sont donc très strictement encadrées.
- Les dispositions relatives aux garanties procédurales et aux conditions minimales à respecter pour les demandeur·euses d’asile détenus sont plus protectrices. Celles-ci pourront être particulièrement utiles au stade du contentieux, les textes du nouveau Pacte généralisant les procédures d’asile en détention.
2. L’accès au marché du travail n’est facilité que pour une minorité de demandeur·euses d’asile
- Même si l’accès au marché du travail sera désormais octroyé au bout de 6 mois (au lieu de 9 actuellement), les personnes placées en procédure accélérée à la frontière seront automatiquement privées de toute possibilité de travailler.
- Cela pourra concerner de nombreuses personnes, notamment toutes celles dont la nationalité à un taux moyen de protection au sein de l’UE est inférieur à 20%.
3. Des entraves supplémentaires à la liberté de mouvement des demandeur·ses d’asile
- Les demandeur·euses d’asile qui auront pu échapper à la procédure d’asile en détention pourront cependant être assigné·es à un « lieu » spécifique, sur le territoire d’un Etat membre, durant toute la durée du traitement de leur demande d’asile, sous peine de se voir priver du bénéfice des conditions d’accueil. Une telle entrave à la liberté de mouvement est disproportionnée et injustifiée !
4. Le retrait des conditions minimales d’accueil est facilité
- Les autorités d’un Etat membre retireront le bénéfice des « conditions minimales d’accueil » à de plus en plus de demandeur·euses d’asile dans des situations multiples, notamment :
- En cas de « mouvement secondaire » d’un·e demandeur·euse d’asile (c’est-à-dire si elle ou il se trouve dans un Etat membre différent de celui où elle/il a déposé sa demande)
- En cas de non-respect des « mesures d’intégration » prévues dans l’Etat membre
- Cela placera de nombreux·ses exilé·es en situation d’extrême précarité. Au-delà de l’inefficacité de telles mesures pour « lutter contre les mouvements secondaires », c’est tout simplement discriminatoire et inhumain !
5. Les violations des dispositions de la Directive Accueil par les États membres devraient malheureusement perdurer
- Les pratiques actuelles des États membres - recours accru à la privation de liberté pour les demandeur·euses d’asile, retraits abusifs des conditions minimales d’accueil, non-respect des garanties minimales de la Directive - laissent présager de ce qu’il adviendra des dispositions les plus dures de la refonte de la Directive Accueil.
- Ce texte ne permettra malheureusement pas de faire cesser les pratiques illégales des États membres en termes d’accueil des demandeur·euses d’asile ; domaine dans lequel la Commission faillit à initier des procédures d’infraction.