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L’hydrogène : une solution… sous conditions

15 octobre 2023

À l’occasion du Climat Libe Tour à Dunkerque, vendredi 13 octobre, je signais une tribune pour Libération. L’hydrogène peut participer à la lutte contre le changement climatique. Mais est loin d’être une panacée !

Energie, transports, rénovation durable, végétalisation… En 2023, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous inédits. Objectif : témoigner des enjeux et trouver des solutions au plus près des territoires. Quatrième étape à Dunkerque, les 13, 14 et 15 octobre.

Dans le cadre des annonces sur la planification écologique, lundi 25 septembre, Emmanuel Macron a affiché sa volonté de «développer massivement l’hydrogène». L’idée est à la mode. En 2021, la France avait lancé en grande pompe son plan hydrogène doté de 9 milliards d’euros. Côté européen, la Commission a récemment présenté son projet de banque de l’hydrogène et ses 5 milliards d’euros de financements.

L’hydrogène a le vent en poupe. Ce serait la solution miracle qui permettrait de décarboner nos économies et de conquérir notre indépendance énergétique.Comme souvent, le diable est dans les détails.

Les détails, c’est d’abord la couleur. Pour l’hydrogène, on parle de noir, brun, vert ou rose. Autant d’hydrogènes que d’énergies pour le produire. Autant le dire clairement, pour le climat, seul l’hydrogène vert, fabriqué à partir d’énergies renouvelables, est pertinent. Sauf que… plus de 99% de la production actuelle d’hydrogène est issue de combustibles fossiles, en grande partie du gaz ! Ne pas différencier l’hydrogène vert du reste, comme le font Emmanuel Macron et la Commission, c’est s’enfermer plus encore dans la dépendance aux énergies fossiles, du gaz de Poutine au très polluant gaz de schiste américain.

Au-delà de la question des fossiles, la valeur ajoutée de l’hydrogène – même vert – se limite à quelques usages. Pour la métallurgie notamment. Passer du charbon à l’hydrogène vert dans les hauts fourneaux de l’usine ArcelorMittal de Dunkerque, deuxième site industriel le plus émetteur de CO2 de France, serait un grand pas vers l’acier vert. Pour l’industrie chimique aussi et, à terme, pour la mobilité lourde, l’utilisation de l’hydrogène renouvelable peut servir la décarbonation. L’hydrogène pourrait également être complémentaire des énergies renouvelables en permettant le stockage de la production excédentaire d’électricité.

A ces conditions, il faut ajouter que la production – encore trop faible – d’électricité renouvelable ne doit pas être détournée de ses usages actuels pour un vecteur énergétique – et non une énergie – dont l’utilisation n’est pertinente qu’à la marge. L’énergie renouvelable utilisée pour l’hydrogène devrait toujours provenir de capacités supplémentaires pour éviter une concurrence dommageable entre électrification directe et hydrogène.

Face aux difficultés du passage à l’échelle en Europe, l’Union européenne mise en grande partie – 50% – sur l’importation. L’UE et certains Etats membres ont d’ores et déjà signé des accords avec l’Egypte, le Maroc et la Namibie. Le sinistre réflexe colonial européen de faire main basse sur les ressources des pays du Sud a encore de beaux jours devant lui… La hausse massive des importations européennes d’hydrogène vert absorberait la majeure partie de l’électricité renouvelable produite par ces pays au détriment des populations locales, comme en Namibie où 44% des habitant·es n’ont pas accès à l’électricité. Ces nouvelles dépendances énergétiques, c’est aussi le risque de perpétuer nos soutiens à des régimes autoritaires et illégitimes, au mépris des choix de leurs citoyen·nes. La production de l’hydrogène doit donc être locale !

Le rapport du Giec et le constat brutal de notre dépendance énergétique à des dirigeants autoritaires disent tous deux la même urgence de la transition écologique. Force est de constater que l’hydrogène n’est pas la solution miracle. Les chantres du techno-solutionnisme qui voudraient nous faire croire que l’hydrogène permettrait de tout changer sans rien changer se leurrent. En revanche, si sa production est locale, issue d’énergies renouvelables et son usage réservé à des utilisations pertinentes, l’hydrogène peut participer à la lutte contre le changement climatique et à la conquête de notre souveraineté énergétique. Une solution sous conditions.