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Comprendre le pacte "asile et migration" européen

Pas de pacte sans dignité humaine !

Le 9 septembre 2020, Moria, le plus grand camp d’exilé·es d’Europe, situé sur l’île grecque de Lesbos, était ravagé par les flammes. Cet accident tragique avait mis en lumière les conditions inhumaines dans lesquelles vivaient les exilé·es. 

Margaritis Schinas, Commissaire européen, avait alors déclaré : « L'incendie du camp de Moria nous rappelle brutalement que l'époque où nous pouvions vivre dans une maison à moitié terminée est révolue. L'heure est venue de se mobiliser autour d'une politique migratoire européenne commune ».

Lors du discours sur l’état de l’Union à la mi-septembre 2020, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, renchérissait : 

Nous adopterons une approche axée sur l’humain et empreinte d’humanité. Le sauvetage des vies humaines en mer n’est pas optionnel. Et les pays qui remplissent leurs obligations juridiques et morales ou qui sont plus exposés que les autres doivent pouvoir compter sur la solidarité de toute notre Union européenne. [...] Nous devons tous intensifier nos efforts en la matière et prendre nos responsabilités. 

Des propos réitérés le 20 septembre 2020 lorsque la Commission européenne présente le Pacte sur la migration et l'asile, mentionnant « des solutions européennes communes pour relever un défi européen ». Ylva Johansson, Commissaire aux Affaires intérieures, ajoutera : « fondamentalement, cet ensemble de propositions protège le droit d'asile ».

Après plus de trois années de négociations, le résultat est malheureusement sans appel : l’adoption de ce Pacte est le nouvel échec d’une Union européenne incapable de réformer ses politiques d’asile dans le respect du droit et de nos valeurs. C’est une réforme de la honte, à l’opposé des objectifs annoncés en 2020.

Le Parlement européen et les Etats membres de l’UE se sont accordés le 20 décembre 2023 sur les grandes lignes du Pacte. Les textes composant le Pacte sont désormais en phase d’approbation officielle au Conseil de l’UE et au Parlement européen, avec un vote final attendu en avril pour ce dernier. Et c’est peu dire que le résultat de cet accord m’inquiète au plus haut point.

Vendu comme la solution aux dysfonctionnements du Règlement Dublin, le système actuellement en vigueur, le Pacte de la honte ne fera au contraire que les renforcer.  D’une extrême complexité, composé de textes qui piétinent le droit d’asile, le droit international et européen ainsi que les valeurs de l’UE, ce Pacte ne résoudra rien. Une fois appliqué, il entraînera inéluctablement de multiples violations des droits les plus fondamentaux des exilé·es, et aura des conséquences désastreuses sur les conditions de vie de milliers de personnes en quête de protection au sein de l’UE. 

Je me suis battu sans relâche pour obtenir un Pacte digne et solidaire, à l’image des valeurs que je défends et pour lesquelles vous m’avez élu. Ma seule boussole a été la défense et le respect des droits humains pour toutes et tous !

Les naufrages sur la route migratoire la plus meurtrière au monde, la mer Méditerranée, s’enchaînent. En 10 ans, plus de 30 000 exilé·es y ont perdu la vie. Les atteintes à la vie et à la dignité des exilé·es ne cessent de se multiplier, partout aux frontières de l’Europe. Refoulements illégaux, violences et tortures, murs et barbelés, accords avec des pays tiers pour les maintenir à l’écart des frontières de l’UE, les violations des droits des exilé·es s’intensifient et restent impunies, quand elles ne sont pas purement et simplement soutenues par les États européens.

Les chercheuses et chercheurs de refuge partent au péril de leur vie. Elles et ils quittent ce qu’elles et ils ont de plus cher : une famille, des ami·es, une maison, un travail. Une vie. Partir n’est jamais un choix. L’exil est souvent leur seule chance de survivre aux menaces, à la misère et aux persécutions.

Au cours des négociations, j’ai tenu à rappeler ce qui devait guider nos décisions et être au cœur de cette politique européenne migratoire : l’humain. Nous parlons d’enfants, de femmes, d’hommes. Nous parlons de destins, de rêves et d’espoirs. Du sel de leurs larmes à l’éclat de leurs rires, nous partageons tout de l’humanité des exilé·es. Se battre pour leur vie, c’est se battre pour l’humanité. 

Pas de Pacte sans humanité ! Je m’y suis engagé en 2019 : je n’y renoncerai jamais. L’Union européenne, elle, a déjà tiré un trait sur l’humanité. En catimini, à bas bruits, elle s’apprête à entériner définitivement l’Europe forteresse, l’Europe des murs et des barbelés, l’Europe de l’inhumanité et de l'indécence. La honte européenne.