Il est presque 19 heures : Benoit Biteau, député européen, donne le coup d’envoi de nos Maraudes Solidaires. Le temps est glacial. Dans la nuit, plongés dans la neige, les bénévoles l’emmènent dans leur travail de fraternité. Durant 24 heures, Benoit les accompagne. Ses mots, à son retour, sont sans appel :
« La première info que j’ai, quand j’arrive à Montgenèvre, c’est que les forces de l’ordre viennent de verbaliser Médecins du Monde : ils leur demandent de quitter la ville. Je sens la pression, la tension. Je ressens beaucoup de respect pour ces citoyens qui s’engagent et y passent un temps incroyable. Ils puisent dans leurs ressources physiques, ils jalonnent les montagnes pour essayer de porter secours à des personnes en difficulté dans la neige à des températures extrêmement basses. Ça force le respect. Ils sont nombreux, et j’y ai croisé beaucoup de jeunes animés par un humanisme, par la fraternité.
Ce qui est révoltant, c’est la façon dont les représentants de la République – forces de l’ordre, qu’elles soient Police aux Frontières ou gendarmerie, la Préfecture, gèrent cette situation-là. Traquer des êtres humains comme des animaux dans les bois : cette façon de faire amplifie les risques pris par tout le monde. La traque également des bénévoles qui essaient de porter assistance aux personnes en quête de refuge est insupportable.
Ce n’est pas ça, la République en laquelle je crois.
Ce n’est pas ça, la République qui inscrit sur le fronton de ses mairies « Liberté, Egalité, Fraternité ».
Ce n’est pas ça, la République des droits humains qui s’est construite sur le socle de l’humanisme et de la solidarité.
Ce n’est pas ça.
Les personnes exilées que j’ai rencontrées sont des gens qui ont un fort niveau d’étude, qui sont parfaitement pacifiques, qui recherchent l’hospitalité parce que dans leur pays les conditions de vie sont insupportables. Ce sont des gens qui prennent des risques énormes, qui ont fait le choix de s’éloigner de leurs racines, des terres où ils sont nés, ce qui est extrêmement douloureux, dans des conditions très précaires. L’alibi qui consiste à dire qu’on ne peut les accepter sur notre territoire car ils sont de potentiels terroristes est absolument fallacieux. Intolérable. Les décisions d’État qui sont prises le sont elles aussi : surtout, elles sont illégales.
La première maraude dans laquelle je m’engage à mon arrivée ce soir-là consiste donc à retrouver les forces de l’ordre qui ont verbalisé Médecins du Monde : la situation est inédite. Après discussion, le capitaine de gendarmerie appelle ses supérieurs hiérarchiques et efface la verbalisation : je vérifierai que cet engagement a été tenu.
Le bras de fer, c’est la détermination… et déterminés, nous le sommes : dans le retour des valeurs de la République, du respect de la loi ; dans notre volonté à ne pas laisser faire l’insupportable.
Il est désormais minuit et demi. Trois personnes émergent dans la forêt, elles ont quitté leur pays, l'Iran, car la vie n'y est plus possible, et viennent demander l’asile. Ils sont tous trois dans un état de santé délicat : l’un a des fortes douleurs abdominales, un second a les ligaments croisés de son genou dégradés, il a beaucoup de difficultés à se déplacer dans la neige. Le troisième est lourdement blessé, il est parti d’Iran depuis deux ans et cinq mois, et après avoir traversé des zones enneigées et très froides, il a des orteils nécrosés.
Les bénévoles, sur place, forcent le respect et l’admiration. Ils sont dévoués, véritables montagnards qui savent que les passages empruntés par les chercheurs de refuge sont dangereux : à certains endroits les risques d’avalanche sont sévères, et pour éviter que ces gens soient pris dans des avalanches, ils prennent eux-mêmes les risques sur ces chemins dangereux. Pour éviter le pire. La pression que les forces de l’ordre exercent sur eux est un sujet de fatigue, d’inquiétude, même si beaucoup ont des capacités physiques énormes.
Engager ces Maraudes Solidaires, c’est déterminant : nous devons, nous, les représentants de la République, de l’Union européenne, dénoncer le non-respect des lois qui régissent le statut des personnes qui demandent l’asile. C’est déterminant.
Ne pas rester hors sol, ne pas se contenter de discours officiels.
Le même sujet se passe dans les Pyrénées, au col du Portillon, proche de chez moi : il ne faut pas laisser les frontières occupées par les identitaires qui entretiennent une confusion entre des démarches officielles et des démarches parfaitement outrancières. Leur logiciel est à vomir : il ne faut pas laisser ces gens-là occuper le terrain. »
Député Européen Verts / ALE**,
Président de l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants.
Damien Carême est né en Lorraine.
Il est élu maire de Grande-Synthe, dans le Nord, en 2001 et le reste jusqu’en mai 2019, date à laquelle il entre au Parlement européen.
Durant 18 ans, à Grande-Synthe, il mène une politique mue par l’écologie sociale et transforme ainsi radicalement la ville. Capitale française de la biodiversité en 2010, Grande-Synthe voit naître des jardins partagés, des quartiers totalement repensés, des repas 100% bio et locaux dans toutes les cantines, une démarche d’autonomie alimentaire, des transports en commun gratuits, un minimum social garanti (MSG) pour les habitants vivant sous le seuil de pauvreté, une université populaire, des ateliers de fabrique de l’autonomie… Un objectif, clair : créer du sens commun et véritablement entrer « en transition ».
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud. * Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Fin 2015, le conflit syrien pousse à l’exil des milliers de personnes. A Grande-Synthe, ces femmes, ces hommes et ces enfants réfugié.e.s arrivent et stagnent dans des conditions indignes : Damien Carême, contre l’avis de l’Etat, réagit et avec l’aide de Médecins Sans Frontière, met en place le premier camp humanitaire sur le territoire français. Dans la foulée, il fonde l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants, qu’il co-préside aujourd'hui avec Jeanne Barseghian.
En mai 2019, il est élu député européen. Avec 12 autres élu.e.s, il rejoint alors le groupe des Verts / ALE au Parlement européen, où il intègre plusieurs commissions : la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la Commission industrie, recherche et énergie (ITRE) et la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON). Il intègre également une délégation : la délégation Afrique du Sud.
Ce qui l’anime ? Poursuivre les missions et les combats entamés à Grande-Synthe, agir à grande échelle en faveur de l’écologie sociale, respectueuse de la dignité, des droits fondamentaux et de la justice environnementale.
Et le 1er juillet 2021 ? Ce jour-là, Damien Carême vit une victoire majeure : dans la matinée, le Conseil d’État rend en effet un arrêt historique dans lequel il sanctionne le gouvernement pour inaction climatique et l’enjoint à prendre, dans un délai de neuf mois, « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs » du pays. Si cette victoire est un pas de géant pour le climat ainsi qu’un véritable séïsme judiciaire, elle est également la concrétisation de la lutte d’un homme qui, un jour de novembre 2018, avait entamé, seul contre l’État, un recours pour inaction climatique. Impossible pour lui de se résoudre à laisser aux générations futures un monde invivable… »
- Président de l'Association des Maires Ville & Banlieue de France en 2014-2015
- Prix Nord/Sud du Conseil de l'Europe en 2018
- Prix Éthique et Société, avec Mention Spéciale du Jury, de la fondation Pierre Simon en 2016
- 9e "Meilleur maire du monde", décerné par la City Mayor Fondation en 2016
- 2016, « On ne peut rien contre la volonté d’un homme » (éd. Stock), livre écrit avec Maryline Baumard